Nous voici de retour à Nyons.
Aujourd'hui, je vous emmène à la scourtinerie.
On arrive dans un magnifique endroit, niché au milieu des oliviers. On découvre un très beau batiment, qui est une ancienne magnanerie. Avant de fabriquer des scourtins on filait et on bobinait en ces lieux le fil de soie .
La belle architecture des bâtiments comprend la forge utilisée pour l'entretien des outils et des métiers, et l'ancien étouffoir des cocons de soie utilisé aujourd'hui pour pour la teinture des scourtins.
Sur la place, de splendides platanes centenaires, des treilles où sèchent les échevaux de corde de coco colorés donnent un aspect chaleureux aux lieux.
Vous allez me dire, mais qu'est-ce que c'est qu'une scourtinerie ? Quel nom bizarre ! Eh bien, c'est une fabrique de scourtins. Vous voilà plus avancé(e)s...
Sauf pour les personnes qui se rappellent de mon billet sur le moulin à huile, où j'en ai déjà parlé.
Le scourtin est une poche et un filtre qui permet, depuis l'antiquié, d'extraire l'huile d'olive. Originellement réalisé en fibres végétales, il est actuellement fait avec des fibres synthétiques pour les professionnels qui s'en servent. Il ne reste plus qu'une scourtinnerie artisanale, en France, celle de Nyons. Ses scourtins sont en fibre de coco.
La méthode ancienne d'extraction par pression consistait à séparer le moût d'huile du grignon par une filtration dans un empilage de scourtins, en alternant couches de pâte et scourtins sous une presse.
Cette scourtinerie a été fondée en 1882. Elle perpétue toujours le tissage traditionnel tout en proposant aux particuliers des scourtins qui servent de tapis, dessous de plat et paillassons originaux.
Dès qu'on entre, on est accueilli(e)s par plusieurs générations de Fert.
En 1880, Nyons croulait sous les plantations d’oliviers et la production d’huile battait son plein dans la région. Les paniers plats faits de paille ou d’étoffe servant à recueillir la pâte d’olive broyée ou grignon ne sont plus assez solides pour résister à la pression des nouvelles presses à vis métalliques remplaçant celles en bois. Monsieur Fert, tisserand de son état eut alors la bonne idée de se servir de la fibre de coco pour fabriquer une nouvelle génération de « scourtins » mieux adaptés aux nouvelles presses.
Inauguré en 2013, le musée de la Scourtinerie raconte la saga familiale, l'évolution et les rebondissements d'une fabrication artisanale puis industrielle sur quatre générations et plus de 130 années.
En raison du Covid, nous n'avons malheureusement pas pu visiter l'atelier, mais le musée résume bien cent trente années de scourtins. Cependant, certaines de mes photos sont de mauvaise qualité, du fait du plexiglas qui protège certaines pièces de collection.
Les scourtins sont fabriqués à partir de différents matériaux, primitivement du jonc à l'alfa en passant par le palmier nain, actuellement en fibres de noix de coco et en plastique. Les plus larges « contiennent chacun 50 kilos de grignons. Dix scourtins (500 kilos d'olives) donnent environ 120 litres d'huile et 40 litres de margarine. Les scourtins en fibre végétale supportent une masse de 40 tonnes, inférieure à celle des scourtins en plastique qui supportent une masse comprise entre 60 et 80 tonnes. »
Le diamètre d'un scourtin varie de 40 à 90 centimètres et sa durée de vie n'excède pas généralement une campagne annuelle. Après chaque pression, le résidu sec d'extraction de l'huile (grignon d'olive) est ôté du scourtin par un simple battage avant que celui-ci ne soit soigneusement lavé puis séché. Certaines huileries les recyclent pour s'en servir de cale à la presse lors de la campagne suivante.
Les scourtins sont tissés sur de grandes roues qui tournent. On passe la fibre de coco entre les aiguilles. Le scourtin revêt la forme d'un béret ou d'un cabas rond, on peut dire aussi qu'il se présente comme une grande galette ou une sorte de corbeille plate. Il possède le plus souvent une ouverture centrale qui permet de mettre la pâte provenant de l'écrasement des olives après leur passage sous les meules de triturage.
Ces fibres de coco filées à la main, imputrescibles et inusables sont importées des Indes, seule région au monde fournissant ce travail artisanal ; Monsieur Fert déposa alors un brevet concernant la création d’un métier à tisser les scourtins ce qui permit à l’entreprise familiale de vivre de cette activité sur Nyons de 1882 à 1956, année décisive où le gel des oliviers mit fin à la fabrication des scourtins en fibre de coco.
Après cette date, Georges Fert a remarqué que beaucoup de gens utilisent les scourtins usagés comme des paillassons et l'idée lui vient de teindre les fils de coco et de transformer les scouffins destinés à l'huilerie en objet de décor et d'ameublement. Il a ainsi sauvé son entreprise qui continue, à l'heure actuelle de réaliser des tapis, des sets de table, des dessous de plats, des contenants, et des ombrières (voiles d'ombrage), d'autant plus qu'avec la modernisation des processus de fabrication, les scourtins n'ont plus été utilisés.
Un petit clic ICI pour avoir un apperçu de leur réalisation dans une vidéo de deux minutes.
Il faudra qu'on y retourne pour voir l'atelier quand il sera à nouveau ouvert au public...
J'espère que ce visite un peu scolaire vous a plu. La prochaine fois, je vous ferai visiter la boutique qui présente tout ce savoir-faire ancestral, à nul autre pareil, ainsi qu’un peu d’artisanat indien du Kérala où la famille Fert a tissé des liens depuis plusieurs générations avec les artisans locaux.
Bisouilles
Calinquette